Rares sont les dictionnaires de langue à avoir été déférés devant la justice. Lorsque cela arrive, on perçoit le réseau des enjeux idéologiques, politiques, religieux et marchands qui traversent ces recueils de mots et en éclairent l'efficacité sociale. A l'occasion du cent-cinquantenaire de la condamnation du Dictionnaire universel de Maurice Lachâtre, plusieurs chercheurs ont étudié ces procès littéraires peu communs. Les démêlés de Charles-Joseph Panckoucke, d'Alfred Delvau, de Michel-Auguste Peigné et de Maurice Lachâtre sont ici détaillés. Le contexte de ces poursuites, témoignages d'une censure de l'écrit, est analysé par Jean-Yves Mollier tandis qu'Yvan Leclerc étudie les spécificités de ces jugements auxquels l'histoire du livre et de l'édition ne s'était pas encore intéressée.
Ce volume fournit l'occasion d'interroger à la fois le régime de surveillance de l'imprimé de la fin du XVIIIe siècle, sous Louis-Philippe et le Second Empire, ainsi que la dimension militante des dictionnaires de langue, depuis le désir d'éducation émancipatrice jusqu'au libertinage lexical. Alain Rey en éclaire le propos par une préface aussi malicieuse que passionnante et chaleureuse.