A quoi sert-il dès lors d'analyser une souffrance depuis un centre, de soupeser mentalement sa particularité et son intensité par des processus analytiques puisque c'est l'ego qui est récepteur, porteur et conducteur de la souffrance. N'est-ce point une spécialité occidentale que de ramener un savoir ou une souffrance dans un centre, lieu de prédilection de l'ego. Il est significatif de remarquer que bien des connaissances médicales, sociales, politiques, et autres sciences mortes sont conçues pour servir l'ego comme un cinéma expérimental et pathologique du genre humain. Et s'il s'agit d'une souffrance initiale, bien que des facteurs la déclenchent, cette souffrance a une origine et c'est sur cette origine qu'il est important à mon sens de s'arrêter et d'entrer en contact, par le réseau de l'instant. Tant que l'on restera dans des processus qui nous fixent dans le temps, nous retrouverons les mêmes mécanismes et les mêmes afflictions indépendamment des situations rencontrées puisque nous vivons quasi la majeure partie de notre vie dans ce temps préfabriqué et le risque est de passer sa vie à tourner en rond autour de symptômes totalement incompris.
Analyser ses maux, s'en plaindre ou se mettre en relation avec notre humanité n'est pas le même travail. L'un est un travail intellectuel, l'autre est un acte de conscience. A quoi bon battre en argument une tare en brèche, ce qui est important est de comprendre pourquoi la brèche existe et pourquoi elle est ouverte. Le travail de la sensibilité et de la perception n'est pas le même travail que celui de l'intellect qui est somme toute, l'application et le mouvement même de la souffrance.
Réceptif et sensible, percevant cela, je modifie instantanément mon comportement. De la sorte, je ne suis plus l'objet de mécanismes épuisants et douloureux pour le psychisme. Et rien que de discerner cette évidence avec clarté, il y a révolution car nous sommes à ce moment là en parfait état d'adéquation avec « ce qui est ».