Carrefour entre le monde chinois et l'Asie du Sud-Est continentale, l'Etat Shan de Birmanie est à la fois un point de convergence et un passage obligé pour nombre de minorités ethniques. Dans la région du lac Inlé, pas moins de six d'entre elles, relevant de quatre familles linguistiques différentes, mettent en valeur le milieu lacustre et les montagnes environnantes. Chaque année, trois semaines durant, le lac est le théâtre d'une procession nautique de barges à figure d'oiseau où trônent les images sacrées de Bouddha. Cette cérémonie exprime la position dominante, politique, économique, mais surtout symbolique, que les « Fils du Lac » – traduction littérale de l'ethnonyme Intha – ont acquis sur les minorités voisines. En effet, depuis le coup d'état birman de 1962, à l'origine de l'éradication des tout-puissants Shan qui régnaient sur la région depuis le xive siècle, une recomposition sociale en faveur des Intha s'est opérée. Grâce à l'analyse des représentations du monde (astrologie, culte des esprits, bouddhisme), des rituels initiatiques et des fêtes de pagode des différentes minorités en contact, l'auteur montre comment un lien communautaire s'est instauré, à l'origine de l'émergence d'un groupe qui a su manipuler des valeurs symboliques et consensuelles à son profit. Il éclaire ainsi la relation interethnique, au centre de son propos, conçue comme une dynamique de rapports de force et de réseaux d'échange, ainsi que le processus favorable à l'apparition d'un groupe dominant.