
«Je fuis encore devant ces histoires de racines ! Ce qui
importe, c'est la plante qu'on devient ! Oui, j'ai tiré un
trait sur une histoire somme toute banale pour la Juive
que je suis. Je renoue avec un passé ancestral. Ce n'était
pas le premier exode, ni peut-être le dernier. Nous
arrivions en France, en 1962 comme de nombreux
Français d'Algérie. Je me souviens avec force des escaliers
mécaniques d'Orly. Paris allait bercer mon coeur,
rassasier mon corps troué. J'allais apprendre à oublier
l'exubérance, opter corps et âme pour les couleurs
d'ombre, sans excès, stables qui, unifiant le paysage,
pansaient toutes les blessures, les accidents. Marcher
dans des allées bien dessinées, se conformer au décor
mis en place de longue date, épouser les monuments.
Le paysage nous clouait le bec. L'harmonie générale
convenait à merveille aux exilés de la terre. La passion
d'un piéton purifie la nuit de tous les cauchemars.
Son ombre se profile sur les murs de la ville. L'Histoire
parle avec émotion au promeneur solitaire. J'aimais
Paris comme on aime sa chance.»
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