La vie de Jean Lacouture, fils d’un chirurgien bordelais et d’une mère pieuse et gaulliste, grand reporter à Combat, France Soir, au Monde, fondateur aux éditions du Seuil de « L’histoire Immédiate », champion de la décolonisation au Viêt Nam, au Maroc, en Égypte, se lit comme un roman, qui est un peu le roman du vingtième siècle. Jean Lacouture a vingt-quatre ans, quand il arrive à Saïgon, en 1945, dans le service de presse du général Leclerc. C’est avec trois journaux à la fois, Caravelle, Paris-Saïgon, et Indo-France, le premier rendez-vous avec un métier, l’histoire et la guerre. Au Caire, il commente Michaux devant le poète lui-même, le lendemain il provoque la rencontre entre Nasser et Tito qui met le tiers-mondisme sur les rails. Aux États-Unis, il explique le Viêt Nam à Kissinger et aux étudiants des campus. Son journalisme énerve « l’establishment » qui dénonce le « lacouturisme » : ses penchants de courtisan, son style esthétisant, son goût pour le remords. Homme de la « vista », du coup d’œil, il réinvente le rugby, la corrida, l’opéra ! Le voici désormais dans la peau d’un nouveau Saint-Simon, capable à la fois, comme biographe, de nous faire oublier l’Histoire et de la ressusciter dans ses héros : de Hô Chi Minh à De Gaulle, en passant par Nasser, André Malraux, Léon Blum, François Mauriac et Pierre Mendès-France. Mais que cache, chez l’homme intime, cette faim de vivre, de bouger, d’écrire, d’admirer ?

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