A l'heure où Genève s'interroge sur son avenir, un retour sur l'histoire
mouvementée de sa constitution s'impose.
Enfantée par une révolution en 1846, la nouvelle constitution démocratique
genevoise donna au radicalisme triomphant et à son chef,
James Fazy, les pleins pouvoirs sans se soucier des minorités écrasées.
Bientôt les tensions s'accentuèrent et ce fut l'émeute en 1864. Pour calmer
le jeu et assagir les moeurs politiques, le philosophe genevois Ernest
Naville proposa une solution inouïe : le scrutin dit proportionnel. Après
bien des péripéties, Genève en adopta le principe en 1892.
Confrontée aux mêmes maux, Zurich préféra la démocratie directe à la
proportionnelle et, en 1868, étonna le monde en adoptant les droits
d'initiative et de référendum. Les innovations des laboratoires suisses
suscitèrent l'enthousiasme de leurs contemporains, furent l'objet de
plusieurs congrès et trouvèrent des répliques jusque dans l'ouest du
Mississippi.
Pourtant les jeunes démocraties n'étaient pas au bout de leurs peines.
La grande crise des années 1930 s'annonçait. Comment ces institutions
hyper-démocratiques allaient-elles résister aux coups de boutoir d'une
crise économique, financière et sociale ? Et Genève ? S'était-on suffisamment
délesté de l'esprit de parti, du triomphalisme des majorités et des
ukases politiques pour traverser sans embûches la nouvelle tempête ?