Cet ouvrage est la première monographie consacrée à deux grammairiens
atypiques des années 1930, Jacques Damourette et Édouard Pichon. Ce
dernier, médecin, est notamment célèbre pour avoir participé à la fondation
de la Société de psychanalyse de Paris (dans laquelle il a fait entrer Jacques
Lacan) et pour avoir dirigé la thèse de Françoise Dolto. Inventeurs du terme
linguistique «locuteur», Damourette et Pichon sont par ailleurs des soutiens
ardents de l'Action française. Ils proposent dès lors une conceptualisation
politique de l'écriture grammaticale : «Pour faire la grammaire française
telle que nous la concevons, il fallait être Français : nous le sommes.»
C'est cette configuration épistémologique particulière - linguistique,
nationalisme, psychanalyse - que ce livre explore et critique : la question
toujours posée, dans des débats actuels, des liens entre identité linguistique
et identité nationale, se trouve ici historiquement située. La question centrale
devient donc celle de l'articulation de la linguistique, en tant que discipline
scientifique, avec le politique et les sujets polémiques que sont l'identité et
l'appartenance à une communauté.