La Phénoménologie des psychoses est le traité de phénoménologie
psychiatrique de référence. Présentée lors d'un rapport au Congrès
de Psychiatrie et de Neurologie de langue française d'Angers en juin 1979,
cette somme magistrale fait date dans l'histoire de la psychopathologie.
Ce texte est un manuel de base, le seul qui soit pour accéder à l'ensemble
des travaux d'un courant de pensée nommé tantôt phénoménologie
psychiatrique, tantôt phénoménologie clinique, psychopathologie
d'inspiration phénoménologique, anthropologie phénoménologique,
Daseinsanalyse ou analyse existentielle, et incarné principalement
par les travaux de K. Jaspers, L. Binswanger, E. Straus, E. Minkowski,
H. Tellenbach, W. Blankenburg, H. Maldiney, Kimura Bin, P. Fedida,
G. Lantéri-Laura, R. Kuhn, A. Kraus, etc.
La phénoménologie philosophique s'étant donné pour charge d'examiner
la constitution de toute «réalité», quels que soient ses contenus, elle devait
rencontrer le champ des psychoses dans la mesure où ces psychoses mettent
à l'épreuve la constitution et la dislocation de cette «réalité». Ainsi, avec
A. Tatossian, la phénoménologie psychiatrique a donné sens à la recherche
phénoménologique philosophique du XXe siècle, depuis E. Husserl,
Max Scheler, M. Heidegger, J.-P. Sartre et M. Merleau-Ponty jusqu'à
Paul Ricoeur. Ne voyons pas cette phénoménologie psychiatrique comme
la fille de la phénoménologie philosophique ; elle serait davantage sa soeur
cadette. Les deux grandissent encore ensemble.
Au-delà d'un ouvrage indispensable aux praticiens et étudiants en psychologie
et en psychiatrie, ce qu'est assurément la Phénoménologie des psychoses,
cette somme peut être regardée comme une oeuvre philosophique autonome.
À la suite de cet ouvrage, une génération de psychiatres, de philosophes
et de psychologues phénoménologues s'est retrouvée. Une école
phénoménologique est née ; les travaux de J.-M. Azorin, S. Guidicelli,
D. Pringuey, J. Naudin, A. Fernandez-Zoïla, de la revue L'Art du Comprendre,
du séminaire de phénoménologie de Necker (Y. Pélicier, Q. Debray, B. Granger
et G. Charbonneau), de l'école de la Daseinanalyse témoignent de sa vitalité.