Annette-Élisabeth von Droste-Hülshoff est une auteure majeure de
la littérature allemande du XIXe siècle, trop ignorée en France. Issue
d'une famille aristocratique catholique, née en 1797 à Hülshoff près
de Munster en Westphalie, décédée dans un château de Morsburg
près du lac de Constance en 1848, elle vécut retirée. Elle publia un recueil de poésies en 1838, complété en 1844. La longue nouvelle Die Judenbuche, considérée comme le chef-d'oeuvre de la littérature réaliste
allemande, parut en 1842. Outre un drame et un autre récit inachevés,
sa correspondance et ses Zeitbilder (Vignettes de ces temps) attestent
une attention aiguë à l'évolution de la société à une époque charnière,
prélude à la crise politique de 1848.
Le Hêtre des Juifs narre un drame réel du XVIIIe siècle, transmis par
une ancienne chronique juridique. Ces Scènes de la vie des montagnards
westphaliens évoquent la relative autonomie de communautés paysannes, leurs codes incivils. La loi n'existe pas vraiment ; les usages en
tiennent lieu ; seigneur et gardes forestiers semblent impuissants contre
braconnages, pillage de la forêt, brutalité fréquente des moeurs.
Cette longue nouvelle aborde l'antijudaïsme traditionnel de la
culture populaire ; et cette tradition est suggérée comme le péché fatal
de son mode de vie. Après l'exhumation quelque peu mythifiante des
coutumes germaniques qu'effectua le premier romantisme, et au même
moment où Heine vilipende l'ordre prussien et l'idéalisme « allemand »,
cette oeuvre, dans une écriture simple et rapide, empreinte d'une discrète ironie, marque à la fois un constat et une prémonition.
À travers la mère du personnage principal, l'âpre et funeste condition de la femme est également soulignée, avec une empathie qui
n'est pas sans évoquer en France les préoccupations de Balzac. On a
remarqué que Annette von Droste est la seule écrivaine allemande du
XIXe siècle à figurer dans les anthologies d'aujourd'hui.