Le lien, la rupture. Apparemment tout les oppose. Sémantiquement
le lien s'oppose à la rupture comme la rupture s'oppose au
lien. La rupture est la négation du lien comme le lien la négation
de la rupture. Inversement, il n'y a pas de rupture sans lien
préalable comme il n'y a pas de lien sans rupture inaugurale. Ce
que le titre nous fait pressentir, c'est que la rupture n'est pas un
événement qui affecte de l'extérieur un lien déjà institué, mais
plus profondément un processus qui travaille tant à la destruction
qu'à la constitution de ce dernier.
Le concept de rupture baigne dans une nébuleuse de schèmes
et d'images qui vont de la coupure à la béance en passant par
l'interruption, la séparation, la cassure, la déchirure, la fêlure, la
fracture, la faille laquelle évoque aussi l'ouverture. Le concept de
lien à son tour donne lieu à une constellation de notions parmi
lesquelles : la liaison, le pacte, le symbole, le contrat, l'obligation,
la dette, la servitude, le serment, la foi jurée, la promesse, la pardon.
Du droit civil à la théologie, de la mathématique à la psychanalyse,
le lien et la rupture communiquent avec une série de
problématiques traversant les champs les plus divers du savoir : la
continuité et la discontinuité, la fusion et la séparation, le désir
et la loi, la loi et l'état d'exception, le flux et la coupure, l'identité
et la différence, l'événement et la structure, le trait et le retrait.
Bref, c'est tout le paysage de la pensée contemporaine qui s'apprête
alors à se dérouler sous nos yeux.