Le nom de Machiavel retentit depuis cinq siècles comme le symbole d'un problème, ou comme la réminiscence d'une question politique, scientifique et spirituelle. Autour de la discussion de son oeuvre équivoque et inépuisable se sont concentrés les plus importants débats sur la condition de l'homme et sur la situation de l'Europe. Il semble parfois qu'un certain scepticisme ou une certaine fatigue empêche de prolonger cette longue querelle. Pourtant, la pensée du Florentin refait sans cesse surface, comme un fleuve souterrain, et, jusqu'à nos jours, accompagne comme une ombre le mouvement du monde moderne.

On aperçoit aujourd'hui sur le Vieux Continent une « présence » paradoxale du Florentin et des questions qui lui sont associées. Alors que la perspective machiavélienne paraît définir l'approche scientifique et morale des Européens, l'ampleur de son problème et de l'action politique qui lui est liée semble en revanche obscurcie ou oubliée. C'est un Machiavel apprivoisé et mutilé qui triomphe dans des sociétés libéral-démocratiques qui pensent l'avoir neutralisé. En même temps, dans ces mêmes sociétés, tandis que la nécessité semble emporter le mouvement des choses que le Florentin invitait à regarder comme la réalité du monde, on voit aussi resurgir l'exigence de ce gouvernement de la matière historique que Machiavel a exploré pour en chercher les ressources et les impératifs. Aussi bien la victoire que l'oubli de Machiavel doivent encore être examinés.

À l'occasion du 500^e anniversaire de la rédaction du Prince, la nécessité de raviver une telle réflexion a été illustrée à Paris les 4 et 5 octobre 2013 par deux journées d'étude qui ont exprimé à travers leur titre même le souhait de retrouver un horizon adéquat pour cet examen : Le problème Machiavel. Science de l'homme, conscience de l'Europe. Les articles rassemblés dans ce volume des Cahiers de l'Hôtels de Galliffet présentent les interventions du colloque, restituent l'intention qui l'a animé et témoignent des dialogues qui l'ont traversé ainsi que de la spécificité de ce chapitre d'une recherche pluriséculaire.

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