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J’ai en mémoire ce que de bons auteurs ont écrit sur le syndicalisme paysan et la “révolution silencieuse”. Je lisais leurs textes au fil des années avec étonnement d’abord, irritation ensuite, indifférence les années passant. Le vent emporte davantage les sottises que les efforts vrais. Pourtant, j’ai peur aujourd’hui de la présentation caricaturale, voire orientée, de ce travail de trente ans. D’où ce livre qui veut raconter une histoire, établir un bilan et montrer aux gens des villes et des bourgs qu’il y a un trésor national caché derrière ces haies, ces champs désormais larges ; bref, que ce jardin — la “campagne française” — qu’ils regardent à peine est devenu une carte économique maîtresse pour la France menacée par la crise. Mais d’où viennent-ils, ces quelque deux millions de paysans ? Directement du Moyen Age. La plupart y vivaient encore il y a trente ans. A l’époque où Charlot faisait rire le monde en décrivant les Temps modernes, nous travaillions encore avec nos bras. Le blé coupé avec la faucille, les charrues traînées : par les chevaux et les bœufs ; la venue de la batteuse était l’un des grands événements annuels. Nous étions en retard d’un siècle ou de dix, va savoir. Aujourd’hui, le dernier carré des paysans français semble une tout autre race : montés sur leurs énormes machines, ils inquiètent les gouvernements aujourd’hui socialistes, intéressent les spécialistes américains, suivent dans les journaux le cours des matières premières et constituent sans doute pour le Tiers Monde le seul modèle de développement que l’Occident puisse lui offrir. Il était temps de s’expliquer clairement sur notre “projet paysan”. Chaque Français est plus concerné par lui qu’il ne le croit. Michel Debatisse