Au XIXe siècle, la presse devient le
premier média de masse qu'ait
connu la France : aussi désigne-t-on
volontiers cette période, qui
s'étend jusqu'en 1914, comme la
«civilisation du journal». Or, à lire
les journaux les plus «modernes»
de la monarchie de Juillet ou du
Second Empire (La Presse de Girardin,
Le Figaro de Villemessant...), on s'avise
d'un surprenant paradoxe : le journal s'efforce
d'inventer un dispositif communicationnel révolutionnaire, distinct
de l'ancien modèle oratoire ; pourtant, celui-ci continue à imposer
ses paradigmes et ses modèles d'écriture jusqu'à la Troisième
République au moins. L'écriture journalistique des années 1836-1885,
avant l'émergence en France de la grande presse d'information
à l'anglo-saxonne, est constitutivement rhétorique.
Quels sont les modalités et les enjeux de cette reconfiguration
médiatique d'un très ancien héritage rhétorique ? Quelle conception
de la communication et de l'espace public engage-t-elle ? Quel rôle
réserve-t-elle à l'intellectuel, à l'écrivain, au journaliste ? Toutes
ces questions sont décisives en un siècle où s'invente, en France, la
démocratie.