L'Europe de l'Atlantique à l'Oural n'existe pas.
Pas plus que la géographie, l'histoire n'offre de définition de
l'Europe. Il se pourrait fort que la sociologie, seule, puisse dire
ce qu'est l'Europe des Européens.
Quatre traits définissent l'Occident de l'Europe :
l'individualisme évangélique et romain, qui pose l'individu comme
premier et le groupe social comme second, assurant ainsi la
primauté à la satisfaction des besoins et des désirs de l'individu ;
l'idée de nation, qui fit passer une Europe, peuplée de paysans
stables sur leur tenure depuis le Moyen Âge, de la féodalité
à l'État-nation, sans jamais connaître, après Charlemagne,
d'Empire ;
le capitalisme, inventé dès le XVIe siècle et qui s'épanouit grâce
à l'industrie et à un rapport particulier entre les sciences et les
techniques ;
la démocratie, ou, plus précisément, le gouvernement de la majorité
dans le respect des droits de l'homme.
Ces quatre traits, exceptionnels dans l'histoire, définissent un
modèle qui explique les grandes structures et les grandes institutions
de l'Europe : religion et système de valeurs, hiérarchies
et catégories sociales, famille et parenté, État et capitalisme.
Henri Mendras donne ici à l'Europe sa vraie figure - globale,
cohérente, différenciée.