Les journalistes aiment rappeler que leur métier se
construit dans la distance. Distance avec les pouvoirs,
distance avec les «sources» - celles qui donnent des
informations aux gens de presse. Mais comment obtenir
des informations qui ne seraient pas le reflet des
seuls discours des institutions et de leurs stratégies de
communication ? Par un apparent paradoxe, les journalistes
n'ont d'autre choix que de quitter, au moins
un temps, les habits commodes (et utiles) des défenseurs-de-la-démocratie
pour se rapprocher de leurs
sources. Tout le paradoxe est là : être «au contact» des
sources n'est pas sans risque - le spectre de la «connivence»
n'est jamais loin - mais permet aussi de recueillir
de précieuses informations pour rendre compte. C'est
bien ici que prend place ce qu'il convient d'appeler l'informel.
Le mot permet d'éclairer un ensemble de pratiques
qui s'opposent a priori à la dimension officielle,
publique, du métier, d'indiquer et de comprendre des
écarts, des tensions, des intrications. Il fait entrer qui s'y
essaie dans une zone grise occupée par journalistes et
informateurs, une zone faite de compromis, d'essais et
d'erreurs. Mais il enrichit la compréhension de l'activité,
en laissant aux moralistes le rôle (commode) de dénoncer,
loin de la bataille.