Des plages de la Mer du Nord aux escarpements côtiers du Pays
basque, Frédéric Lallemand a longuement arpenté en piéton attentif
les confins humides, zones incertaines entre l'océan et la terre
ferme dont le tourisme a fait des «bords de mer» et que les géographes
appellent le littoral. Or, il a justement évité tout pittoresque
en photographiant selon sa sensibilité patiente ces territoires changeants
: rien de hasardeux dans ces images d'une grande rigueur
de construction où, remarquons-le, c'est la douceur qui prime. Rien
de spectaculaire ni de péremptoire. Car, en préférant les lumières
pauvres ou peu flatteuses, en abaissant le plus souvent son point
de vue, en évitant autant que possible le contraste des matières ou
la confrontation des nettetés, Frédéric Lallemand donne la primauté
à l'étendue et à la profondeur dans une réalité pourtant limitée
à deux dimensions. En fixant, sans aucune violence, la fluidité
de son motif, il invente littéralement un paysage qui, pour être familier
à la plupart d'entre nous, n'en porte pas moins la marque incontestable
de son propre regard. Et ce faisant, il nous apprend à voir.