Dans quelques ouvrages parmi les meilleurs, Jules Michelet
traite des sciences naturelles. C'est un sujet nouveau pour l'auteur
de L'Histoire de France. Restant fidèle à la finesse de ses
anaylses et à son style précis, Michelet recherche «l'âme de son
sujet». Taine écrira que «l'auteur ne sort pas de sa carrière ; il
l'élargit. Il avait plaidé pour les petits, pour les simples, pour le
peuple. Il plaide pour les bêtes et les oiseaux.»
C'est dans son meilleur âge, écrit Michelet, dans sa première
et plus riche existence, dans ses songes de jeunesse, que parfois
l'homme a la bonne fortune d'oublier qu'il est homme, serf de
la pesanteur et lié à la terre. Le voilà qui s'envole, il plane, il
domine le monde, il nage dans un trait du soleil, il jouit du
bonheur immense d'embrasser d'un regard l'infinité des choses
qu'hier il voyait une à une. Obscure énigme de détail, tout à
coup lumineuse pour qui en perçoit l'unité ! Voir le monde sous
soi, l'embrasser et l'aimer ! quel divin et sublime songe !... Ne
m'éveillez pas, je vous prie, ne m'éveillez jamais !... Mais quoi !
voici le jour, le bruit et le travail ; le dur marteau de fer, la perçante
cloche, de son timbre d'acier, me détrônent, me précipitent
; mes ailes ont fondu. Terre lourde je retombe à la terre ;
froissé, courbé, je reprends la charrue.