Nul besoin de prendre des hallucinogènes
pour constater l'infinie étrangeté du monde.
Certains y sont sensibles naturellement.
C'est le cas, semble-t-il, de celui qui dit
«je» dans ce livre. Ce personnage, en forme
de pronom personnel, traverse bien des
aventures communes : promenade à la campagne,
errance dans la ville, réunion d'entreprise,
consultation d'un psy, dîner mondain... Ces
expériences familières deviennent ici des
massifs bizarres, des aventures bariolées,
exotiques, drôles souvent. À l'étrangeté du
monde répond celle de la langue, matériau
doué d'une texture, d'une épaisseur, que le
sens traverse sans l'annuler.
On peut mettre ces deux étrangetés en
correspondance, dire l'une par l'autre, c'est
ce que découvre notre protagoniste... sans en
être apaisé pourtant. Constamment inquiet sur
son identité, ballotté par ses entourages et
fasciné par les décors, que cherche-t-il
donc, au terme de son voyage ? Simplement un
lieu d'où vivre, un vaisseau pour voguer sur
la diversité chaotique de la vie... Mais
pourquoi a-t-il tant de mal à le construire ?