François-Xavier Verschave, un spécialiste, définissait ainsi la Françafrique :
"une nébuleuse d'acteurs économiques, politiques et militaires, en France et
en Afrique, organisée en réseaux et lobbies, et polarisée sur l'accaparement de
deux rentes : les matières premières et l'Aide publique au développement. La
logique de cette ponction est d'interdire l'initiative hors du cercle des initiés.
Le système autodégradant se recycle dans la criminalisation. Il est naturellement
hostile à la démocratie".
Ce dispositif, régulièrement reconduit, regroupe la majorité des dirigeants
africains mis en place, soutenus et protégés par la France : Omar Bongo et fils
(Gabon), Gnassingbé Eyadéma (Togo), Paul Biya (Cameroun), Denis Sassou-Nguesso
(Congo), Blaise Compaoré (Burkina Faso), et bien sûr Idriss Déby au
Tchad.
C'est dans ce dernier pays que Sonia Rolley a travaillé comme correspondante
de RFI et de l'AFP. Pas facile d'être entre le marteau et l'enclume,
entre le régime tchadien dirigé d'une main de fer depuis dix-huit ans par le
président Déby, et entre les autorités françaises qui ont du mal à couper le
cordon ombilical avec leur ancienne colonie.
Sonia Rolley qui faisait son métier de journaliste sans complaisance (au
passage elle fustige l'équipée de l'Arche de Zoé et son traitement par la France
au plus haut niveau), a été expulsée, en mars 2008, pour ne pas avoir su se
taire. Pire, correspondante de RFI, seule radio crédible au Tchad (et en Afrique),
constamment sur le terrain, bénéficiant d'un accès personnel et privilégié tant
auprès des autorités que des rebelles et des opposants, elle s'efforçait de dire
la vérité. Pas celle de l'ambassade de France...
Au bout du compte son constat est amer : "Finalement, la Françafrique est
plus qu'un simple néocolonialisme. Au mieux, après observation des relations
entre responsables des deux pays, j'y perçois une forme de "syndrome de
Stockholm", la propension d'otages, les diplomates français, partageant longtemps
la vie de leurs geôliers, les régimes dictatoriaux tchadiens, à développer
une empathie ou une contagion émotionnelle avec ces derniers. La version
moins romantique de cette idée est la froide collaboration avec ces régimes.
Je me souviens d'avoir lu dans un livre d'histoire que l'esprit de Vichy était fait
pour s'adapter aux colonies compte tenu de l'autoritarisme et du racisme des
régimes coloniaux."