Il est peu d'Américains du XIXe siècle dont le nom, à l'instar de celui
d'Abraham Lincoln, évoque une multitude d'images. Le général
Robert E. Lee, stratège charismatique des confédérés et légende du
Vieux Sud, est l'un d'eux. Figure à la barbe et à l'uniforme gris, le
champion militaire de l'Amérique esclavagiste illustre à lui seul la
guerre de Sécession (1861-1865), que l'on songe à la plupart de ses
grandes batailles, telle Gettysburg, la plus emblématique, ou à la
reddition, devant le général Grant, d'Appomattox.
Symbole écrasant, adulé ou détesté, il est vrai que Lee ne laisse pas
indifférent. Virginien, comme George Washington dont il se voulait
l'héritier, officier du génie sorti de West Point, modèle du gentleman
sudiste, il incarne la déchirure des Etats-Unis - qui est aussi la
sienne - et un conflit fratricide trop souvent simplifié en guerre
d'abolition de l'esclavage. Etonnamment, nul ouvrage en français
n'avait été jusqu'ici consacré à cette figure majeure d'une époque
souvent magnifiée mais profondément inégalitaire, raciste et vouée à
mourir. En s'attachant à l'homme comme au mythe, en questionnant
sa place dans l'histoire militaire, en s'interrogeant sur une vie de soldat
marquée par le sens de l'honneur, Vincent Bernard brosse un portrait
nuancé et captivant de l'«homme de marbre».