Outre l'espace abstrait et logique de la science, il y a la spatialité
dans laquelle nous faisons l'expérienciation des choses et des êtres, celle
qui donne lieu à une reconstruction mentale et affective. Le passage du
réel identifiable au désigné mental s'effectue par le corps propre : la voix,
les gestes, les mimiques et postures sont autant de "langages" non-verbaux
capables d'attribuer une épaisseur, un ancrage spatio-temporel,
aux mots. Comment le non-verbal implique-t-il le verbal et, réciproquement,
comment les mots ont-il un impératif besoin de multimodalité
pour faire sens ?
L'ancrage spatio-temporel du média linguistique, par la gestuelle,
la tonalité, etc. à l'oral, par le choix d'une organisation visuo-graphique à
l'écrit, ajoute à la fonction de signification systémique du mot comme
combinaison de voyelles et/ou consonnes, comme opposition de
signifiants et de signifiés, une fonction de sens, de désignation dans un
espace-temps symbolique d'une chose absente. Par l'usage multimodal du
système verbal, l'immédiat se joint alors au médiat, donnant à voir et à
vivre le cognitif. De la communication au quotidien à l'art architectural,
littéraire en passant par les chansons enfantines, par l'ergonomie, on ne
peut échapper au fait que le langage ancré dans l'espace voire dans le
temps est le seul capable de donner une épaisseur, un corps, une vie au
mental. Ainsi, loin de privilégier d'un côté, le signe linguistique, de
l'autre les signes non-verbaux, cet ouvrage inspiré des travaux du congrès
Sémio 2001 questionne les rapports entre les mots, la multimodalité et le
sens.