Édouard Méric est un officier dont la trajectoire traverse
l'histoire de l'empire colonial, du temps de la guerre du Rif à la
fin des protectorats en Tunisie et au Maroc. Dans l'entre-deux-guerres
il fut officier des Affaires indigènes au Maroc, de 1943
à 1945, commandant de tabors guerroyant de la Tunisie jusqu'au
Danube, puis, de 1946 à 1948, praticien de la contre-guérilla en
Cochinchine. En 1954, il est nommé secrétaire des Affaires
politiques à Tunis et devient directeur de l'Intérieur à Rabat en
octobre 1955. Il sera un artisan convaincu de la politique de
transfert de souveraineté décidée par Pierre Mendès France et
Edgar Faure qui achemina les deux protectorats à
l'indépendance. Cet homme de guerre, compagnon de la
Libération et onze fois cité à l'ordre de l'armée, était aussi un
intellectuel sous l'uniforme, grand lecteur et écrivain en herbe.
Il se heurta à l'opposition acharnée des ultras et à
l'incompréhension radicale du milieu militaire, si bien qu'en
1956, il fut relégué dans un commandement fictif en Allemagne
occupée.
L'objet de cette biographie est de comprendre comment un
soldat, qui fut officier d'ordonnance de Lyautey en 1933, sut
capter la confiance des dirigeants nationalistes tunisiens et
marocains et collaborer étroitement avec eux lors de la phase de
transition. Méric fut un anticolonial atypique, qui concevait
l'indépendance du Vietnam, puis de la Tunisie et du Maroc non
pas comme la négation de l'expérience coloniale, mais comme
son accomplissement. Incompris en son temps, oublié depuis, il
mérite d'être restitué comme un des médiateurs entre les deux
rives, ayant contribué à l'avènement de deux États-nations
malgré les groupes de pression qui freinaient des quatre fers
l'avancée de la décolonisation.