«Écrivain géographique», comme il se définit lui-même, Michel
Tournier a effectué de fréquents et lointains voyages, mais pour
de brefs séjours, écartelé entre un désir de «perpétuelle
pérégrination», de «chasse cosmopolite à la chair, aux images
et aux paysages», et la tentation d'«une vie coite, casanière,
tapie à l'intérieur d'une forteresse de livres».
Arlette Bouloumié montre brillamment comment la double culture
franco-allemande de l'auteur du Roi des Aulnes, la prégnance de
ses souvenirs et impressions d'enfance, l'usage de la philosophie
comme «clé multiple» pour accéder au monde, nourrissent une
oeuvre d'une extrême richesse conceptuelle, d'imagination et
d'écriture. On le découvre ou le redécouvre ici à travers des
extraits empruntés à ses romans, ses essais, et aussi quelques
pages inédites de son Journal extime. Pour Michel Tournier, toute
translation est une altération : «Éponge, pierre ponce, les
milieux étrangers m'envahissent et me modifient massivement»,
écrit-il. Ses personnages sont l'illustration de ce phénomène :
pour Robinson le naufragé comme pour Abel Tiffauges, le
prisonnier de guerre en Prusse-Orientale ou Paul, le héros des
Météores, qui fait le tour du monde à la recherche de son frère
jumeau, «chaque voyage amorce une mue en profondeur».
Cofondateur avec Lucien Clergue des Rencontres photographiques
d'Arles, Tournier s'est toujours intéressé à la photographie. Lié
d'amitié avec Édouard Boubat, ils ont effectué ensemble plusieurs
voyages. C'est à Boubat que sont empruntées les photos qui
illustrent ce livre.