Depuis quelques années le discours sur les minorités culturelles, ethniques, d'orientation ou d'identité sexuelle désigne les femmes comme une minorité parmi d'autres, confrontée à la norme masculine blanche.
Or, les femmes ne sont pas une minorité. Elles sont la majorité.
La condition des femmes est mondiale et leurs luttes sont séculaires. Il est urgent de restituer ces luttes dans leur universalité et leurs singularités, de renouer avec le féminisme comme mouvement commun afin que l'histoire de ces luttes et leur actualité ne soient pas à nouveau confisquées au profit d'autres combats, légitimes certes, mais vis-à-vis desquels la condition de la femme devient secondaire.
Car, malgré l'intérêt qu'il suscite, le féminisme supporte aujourd'hui les mêmes préjugés que depuis ses premières expressions. Quand on ne peut pas le rattacher à une autre grande cause (la révolution, l'écologie, le décolonialisme), on lui attribue tous les maux possibles. On accuse les féministes de trahir la grande cause de l'émancipation sociale, d'être des « bourgeoises » (puis des bourgeoises blanches), de trahir leur nature en voulant partager le pouvoir avec les hommes, d'exposer sans pudeur les pratiques d'abus sexuels et pour finir, on les déféminise en les présentant comme des femmes qui veulent être comme des hommes (et leur ressemblent). Voilà pourquoi, on veut bien à la rigueur parler d'égalité, parler de droits des femmes mais surtout pas de féminisme, ni avec les féministes. Et ce n'est pas un des moindres paradoxes si un mouvement qui concerne l'humanité entière, est renvoyé au sectarisme et si ce même mouvement, est le seul à n'avoir pas le droit de désigner un adversaire, comme si ce qu'il combat, ne pouvait s'incarner et se dire.
Fabienne Messica propose ici une analyse novatrice, provocante diront certains, des débats politiques auxquels le féminisme, dans sa pluralité, est confronté : l'enjeu étant, face à de multiples instrumentalisations idéologiques et à l'extrême sophistication de certaines approches ou encore à la dilution dans d'autres luttes, de réinsérer ces mouvements dans leur histoire et de renouer avec le concret des luttes des femmes et la singularité de leurs mouvements.